La Bretagne la tête en bas

Si le nord se trouve généralement en haut des cartes, c’est par pure convention. Il n’en a pas toujours été ainsi, et, par exemple, sur les cartes dressées par l’atelier cartographique du Conquet au XVIe siècle, on trouve des cartes dirigées vers le nord, certes, mais également des cartes dirigées vers l’ouest ou vers le sud. Comme la Terre est ronde, la transposition d’une surface sphérique sur une surface plane entraîne forcément des distorsions, et des choix qui font parfois la part belle au « géocentrisme ». Ainsi, la France batailla ferme tout au long du XIXe siècle pour imposer son « méridien de Paris » comme méridien 0, avant de s’incliner, en 1911 seulement, devant celui de Greenwich (internationalement adopté en 1884). On peut de nos jours trouver des cartes de tout ou partie du monde avec le sud en haut. Il y a plusieurs raisons à cela : briser les codes et rappeler ainsi qu’il n’y a aucune raison physique ou scientifique pour privilégier le nord plus que le sud, ou toute autre direction ; des considérations plus « éthiques » : toujours montrer le nord en haut peut conduire inconsciemment à accepter un Nord supérieur (pays riches et développés) au-dessus d’un Sud inférieur. Traditionnellement, les Bretons s’orientaient — comme une bonne partie des Européens —, en se tournant vers l’est (reter, mot qui vient de rak-ter, ce qui est devant), le soleil levant (l’orient). Tout ce qui était à leur gauche (kleiz) était le nord, et tout ce qui était à leur droite (dehou) était le sud. Ce qui était devant était gorre ou uhel, haut, et ce qui était derrière, était goueled ou izel, bas, d’où le sens de « oriental » et « occidental » qu’ont pris ces mots : Gorre-Breizh ou Breizh-Uhel, haute Bretagne, Goueled-Breizh ou Breizh-Izel, basse Bretagne. Toutefois le sens de « haut/bas » a eu, à la suite de l’Empire romain, le sens de la plus proche/éloignée de la capitale, ou de Rome, d’où, dans certains textes anciens, le positionnement du Pays vannetais en haute Bretagne. Pour terminer, signalons que les points intermédiaires (biz, gevred, mervent, gwalarn) soient NE, SE, SW, NW étaient souvent plus importants pour les navigateurs bretons que les points cardinaux, et que la rose des vents bretonne traditionnelle semble être calée sur la latitude du centre de l’Écosse.

Extrait de l’Atlas de Bretagne / Atlas Breizh, Mikael Bodlore-Penlaez & Divi Kervella, Coop Breizh, 2011